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Sans frontières
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3 mars 2017

Lorsque l’Etat n’est pas

Nous en avons assez entendu, ces temps derniers, au sujet de « l’Etat de droit », de « La République » régulièrement convoquée pour mieux masquer les turpitudes et les faiblesses des uns et des autres.

Oh, que l’on ne se méprenne pas. Je ne critiquerai pas. Non pas que je n’aie pas de point de vue, mais au total, le statut « apolitique » me va bien.

Ne comptent que les humains.

Lorsque nous avons transporté les quatre malabars, nous avons eu la chance d’être véhiculés depuis le terrain de Batangafo vers la ville, par une personne connaissant bien l’endroit et qui nous a expliqués ce que nous voyions.

Ici, nous sommes dans la partie musulmane de la ville. Non pas que les quartiers étaient séparés autrefois, mais depuis la crise, c’est évident que la séparation est nette. Et ici, c’est le QG des « Sélékas ». Ou en tous cas l’une des factions des Sélékas. D’ailleurs, nous en avons croisé, qui déambulaient en treillis et en armes.

Puis, on passe un large espace, sans construction. « Ici, c’était une sorte de no man’s land. Les musulmans qui passaient par là se faisaient occire, et les chrétiens qui passaient ici se faisaient tuer de même ». Lieu d’exactions. C’est bizarre de se dire qu’en ce lieu, et il n’y a pas longtemps, on se faisait agresser et tuer.

« Là-bas, tu vois ce bâtiment vide et délabré ? C’est la prison. » Vide, bien entendu. Non pas qu’il n’y ait aucun forfait qui justifierait pleinement que les cellules se peuplent. Simplement, l’Etat n’existe pas ici. Il n’y a pas d’Etat. Donc pas de droit non plus. Le calme actuel ne doit qu’à la décision des ex belligérants.

On poursuit notre chemin. « Ici, c’est le quartier des chrétiens, avec la maison des Anti-Balakas ». En armes eux aussi.

Et puis, on croise ce qui fut le plus grand camp de déplacés du pays. Il en reste plus de 10.000 là où ils étaient plus de 35.000

IMG_1818

Des abris de paille. Et, là non plus, rien. Ces gens n’ont rien. Plus de quoi retourner vers un chez eux vers lequel ils n’osent pas s’aventurer, lorsqu’il arrive qu’il reste un chez eux. Il sont dépendants en tout : hygiène, sécurité, alimentation, éducation,... Quelle indignité de mettre des êtres humains dans cette situation.

On arrive à l’ONG qui nous héberge ce jour-là. Accueil, présentations, discussions.

J’y ferai la connaissance d’une humanitaire qui m’aura beaucoup marqué. Par sa détermination, son courage, sa volonté, sa capacité à décider. C’est une autre histoire.

Lorsque l’Etat n’est plus, ou pas, lui qui devrait avoir le monopole de la violence, alors chacun peut s’arroger une parcelle de ce monopole. Et malheur aux faibles.

Voilà qui justifiait pleinement notre présence (pas en ce lieu particulier, mais pour la mission dans son ensemble), et qui justifiera complètement que l’on poursuive et que l'on revienne, inlassablement.

Nous sommes repartis dans l’après-midi avec notre quarteron de malabars…

Les apprentis-sorciers qui pensent qu’en France, il faudrait une « bonne crise » pour que l’on sorte du marasme (comme autrefois les vieux qui avaient envoyé la jeunesse à la boucherie disaient qu’il « faudrait une bonne guerre »), ces apprentis-sorciers seraient bien inspirés de passer une partie de leur vacances ici, plutôt qu’à Courchevel.

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