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Sans frontières
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28 janvier 2017

Boda… L’hôpital

Si en juin dernier nous avions transporté une délégation venue inaugurer le nouveau marché reconstruit de Boda, cette fois la délégation que nous transportons a un mission différente.

Il s’agit de bailleurs de fonds européens, qui financent des projets dans la région. Ils viennent se rendre compte de visu de ce qui est fait de l’argent qui est consacré à ces causes. Ils ne seront pas déçus.

Nous partons à l’heure de Bangui, avec la délégation au complet. Le trajet pour Boda est court. J’ai déjà eu l’occasion de le mentionner. Arrivée, verticale, on voit que nous sommes attendus. Reconnaissance du terrain, approche, finale, atterrissage, roulage.

La délégation est reçue par les responsables des projets.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes pris en charge par une ONG qui va nous emmener en ville pour que nous puissions attendre leur retour. Nous sécurisons l’avion : il sera gardé par les soldats de la Minusca.

Nous embarquons dans un 4x4 de l’ONG, direction la ville. On croise en chemin des maisons dont on voit qu’elles ont été détruites. Certaines furent reconstruites. Mais tout n’est pas réglé encore.

A notre arrivée à la maison de l’ONG, nous sommes reçus par Solange, qui est la responsable des ressources humaines et aussi la financière de l’ONG. Elle nous fait visiter les lieux : simples, voire sommaires, mais chacun dispose de sa chambre et il y a une cuisine et une salle commune.

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Auparavant, elle était responsable de développement : en clair, travaillait pour des ONG aussi, mais dans un bureau. Pas sur le terrain. Aussi voulait-elle faire cette expérience de la réalité qu’elle ne percevait que désincarnée. La mission est de 6 mois : elle ne souhaitera pas prolonger, car l’expérience est rude. Pas pour les conditions matérielles, auxquelles on se fait finalement bien. Pas pour les conditions de sécurité qui, certes, exposent davantage qu’à Paris 7ème mais restent raisonnablement acceptables.

 

Non, le sujet, c’est l’émotion qui prend à la gorge me dit-elle. Toutes les larmes qu’elle a versées lorsqu’elle a ramené, plusieurs heures durant dans ses bras un enfant comateux. Imaginant, à travers cet enfant son propre fils… Et ainsi de suite…

Pendant le tour de la maison, nous discutons avec les cuisinières, qui préparent le déjeuner.

Puis, nous sommes invités à visiter l’hôpital que gère cette ONG.

Solange nous explique le parcours de santé des patients, qui arrivent dans la cour, puis sont reçus pour un premier examen rapide, qui va permettre de trier l’urgence du non-urgent, et d’orienter vers les soins appropriés.

Aujourd’hui samedi, finalement il y a peu de patients… Nous dit-elle, car nous ne dirions pas cela dans les circonstances que nous connaissons ordinairement : l’affluence serait considérée comme normale.

 

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Non, le lundi, la cour est bondée de personnes qui viennent consulter pour elles-mêmes ou les enfants.

Après le premier examen, nous passons aux consultations simples, avec une prise en charge adaptée à la pathologie, et toujours avec la préoccupation de remettre au plus vite les patients debout. Il y a tellement de besoins en attente…

Les consultations sont scindées en deux : adultes et enfants. Beaucoup d’enfants ici…

La visite se poursuit par les urgences. Un homme vient d’arriver, et est pris en charge. Amaigri et très fiévreux, il est à peine conscient. Pour venir, il a voyagé plusieurs heures. L’équipe médicale l’a pris en charge et lui a administré les premiers soins. Puis le mettra sous observation si, comme ils l’espèrent, il répond bien au traitement.IMG_1706

Ensuite, nous visitons la chirurgie. Nous sommes reçus par le chirurgien, qui nous explique pratiquer ici une chirurgie d’urgence : césariennes, hernies (souvent graves), accidents, lorsque cela est possible, réparation de fente palatine, etc… Il nous montre la façon dont les instruments sont stérilisés, avec une méthode et du matériel de conception très ancienne (plus d’un siècle) mais finalement assez adaptés aux conditions du lieu. De trente à quarante opérations dans la semaine… Pas vraiment d’horaire,  évidemment.

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La visite de la pédiatrie sera très rude émotionnellement. Trop peu de lits. Beaucoup de ces lits sont occupés par 4 enfants. Avec les mères qui sont ici aussi. Des enfants qui souffrent et que les mères ont amené parfois de très loin, bien entendu alors que l’enfant souffrait déjà beaucoup.

Souvent soignés dans l’indigénat avec des médecines pas toujours adaptées.

Beaucoup de cas de paludisme avancé. Le paludisme ici en Centrafrique est évidemment non seulement très courant, mais d’une forme particulièrement grave de paludisme neurologique. Mais aussi beaucoup de malnutrition, en raison de l’incapacité des si jeunes mamans à nourrir le dernier qui n’est évidemment pas le premier. Malnutrition et son cortège de suites infectieuses sur un corps tellement fragilisé et déjà meurtri.

La méningite, avec plusieurs formes, est aussi extrêmement répandue dans la région. Sur un lit, un enfant sous assistance en oxygène, atteint de méningite.IMG_1710

 

Nous discutons avec les soignants, en essayant d'éviter bien entendu de gêner. Voyeurisme ? La question se pose à moi. Les soignants nous invitent à témoigner et nous disent qu’il faut faire connaître ce qui se fait ici. Qu’ils ont besoin de faire savoir. Sans être journalistes, nous portons leur message que ces lignes essaient de transcrire.

Franchement, le travail au quotidien ici est admirable de dévouement. On est tellement loin du « docteur caméra » qui a fait une si belle carrière politique.

Passage par la maternité. Ici, les mamans sont souvent très, trop jeunes. A 20 ans, une jeune femme peut en être à son quatrième enfant. Les sages-femmes sont accueillantes et rieuses. Elles nous disent profiter du passage des mamans par la maternité pour promouvoir et distribuer la contraception : pilule, implant qui dure 5 ans, stérilet, préservatif masculin ou féminin. La contraception est mieux comprise et acceptée par les femmes…IMG_1714

Nous visitons la pharmacie, très bien organisée et tenue. Gestion très professionnelle des médicaments, et coordination notamment avec la chirurgie, dont la capacité à opérer dépend entièrement de l’approvisionnement en médicaments et ustensiles.

Nous éviterons la tente dite de quarantaine, où sont hospitalisées des personnes souvent en phase terminale… L’espérance de vie en RCA est de l’ordre de 54 ans (mon avis sur la longévité n’est pas très orthodoxe ; Evariste Gallois, mort à 22 ans, a davantage laissé à la postérité que Fidel, par exemple …) : cet indicateur est simplement assez représentatif de l’état sanitaire du pays.

Il y a un côté révoltant de savoir qu’il suffit de 1,8 M€ annuellement pour faire tourner cet hôpital et ses trois antennes dans la région, tandis que des milliards sont dépensés en pure perte.

Retour à la maison de l’ONG, puis nous partons préparer l’avion pour le retour, sans prendre le déjeuner. Ni l’un ni l’autre n’avons d’appétit…

On se remet au travail dans des procédures d’aviation rassurantes presque apaisantes.

L’équipe revient. Séance photos. Echange de coordonnées.

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Nous embarquons, retour sur Bangui facile et paisible. Atterrissage, roulage, parking.

La tête et le cœur chamboulés.

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Commentaires
G
Je me dois d'ajouter que la rédaction de ce blog n'a pas pour objet de "montre(r) tout" pour marchander son identité. Elle répond simplement à la demande des collègues que j'ai quittés de partager ces expériences.<br /> <br /> Quant à mon identité, je n'avais pas besoin de cela :)))) <br /> <br /> A bien des égards et selon les canons occidentaux, ce que l'on appelle mon "statut social" brille beaucoup moins. Adieu titre, poste, etc...<br /> <br /> Pour en terminer, je vais vous livrer ma philosophie profonde : celui qui est parti de rien pour arriver nulle part n'a de merci à dire à personne (Pierre Dac)<br /> <br /> Bon dimanche !
G
Internet permet de partager quelque chose. Vous n'êtes pas obligé(e) d'adhérer. <br /> <br /> Justement, le récit est descriptif car l'affect m'est bien personnel et je ne voulais pas tomber dans le pathos facile. <br /> <br /> Enfin, je ne viens pas ici "voir les petits Africains" mais servir une cause dans des circonstances qui me dépassent. En donnant ce que j'ai de plus précieux car incessible : mon temps et mon attention. Comme les humanitaires que je vois ici et qui se dévouent.<br /> <br /> C'est bien plus engageant que de faire un don financier, croyez-moi.<br /> <br /> Et si vous pensez que c'est une sorte de tourisme à l'occidentale, je ne peux faire qu'une chose pour vous : vous inviter à partager ce que nous faisons. Venez, faites, forgez votre point de vue.<br /> <br /> Entre avoir (qui s'empile) et être, j'ai choisi.
L
Heureusement que la tête et le coeur sont chamboulés à la fin, parce que ce récit est si descriptif qu'il fait peur. Simplement descriptif. Très peu d'affect alors qu'il donne envie d'agir. Bon, c'est pas juste de dire ça c'est vrai, parce que c'est le jeu d'internet. Avant on donnait de soi dans le secret de son coeur, par conviction intime et on en faisait pas tout un foin. Aujourd'hui, on montre tout, parce que tout sert à marchander son identité. Mais j'imagine qu'un récit comme celui-là est en phase avec ce que produit l'occident: des vies pleines de choses qui s'empilent et qui sont sensées rendre heureux mais qui ont l'effet inverse. Alors, on va voir les petits africains et après on est content de rentrer chez soi. Jusqu'à la prochaine fois. Bon voyage quand même!
M
Bonjour, merci pour ce récit de situations toujours existantes malheureusement en 2017. <br /> <br /> Les fonds nécessaires pour faire tourner ces hôpitaux arrivent-ils en Afrique et sont-ils gaspillés ou ne sont-ils pas du tout disponible dans ces pays ? <br /> <br /> Quels sont les équipements et médicaments qui peuvent être envoyés de France sans être détournés pour du marché parallèle ? <br /> <br /> N'existe-t'il pas en France des sociétés réalisant de bénéfices importants et pouvant aider ces pays dans des programmes humanitaires (qui permettrait également aux salariés et donc personnes privées, d'agir). Cela vaut peut-être le coup de leur faire savoir et de monter une collecte ...<br /> <br /> Mieux vaut tard que jamais, n'est-ce-pas ? Et un constat n'est pas suffisant pour améliorer ce genre de situation. Une action est nécessaire.<br /> <br /> Bon courage et merci encore.
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